Les miracles

LES MIRACLES    (chantier en cours)

1

après la pluie

sous les feuilles rumine

la pluie

2

sur le mur

l’ombre du vol froissé

des hirondelles

3

décapité

le lézard entre deux

mouvements de la tête

4

l’herbe s’appartient

rien n’y sombre ouvrant plus haut

l’espace aux volumes

5

moins la pliure

du monde que sous l’index

les draps d’une étoile

6

ciel lapidé

patientent les météores

parmi les graviers

7

retour en la vallée

des saints et des hérétiques

j’en croise au bistrot

8

les épingles à linge

suspendues sur le fil

que le soir oublie

9

mai -nuit sans étoiles

et tiède comme le deuil

des vivants restés

10

pas venu l’orage

mais les cailloux sont blancs

sous l’auto mouillée

11

sphère du pommier

plus large que son rayon

d’une plèvre d’abeilles

12

le V renversé

des ardoises dans l’O

penché de l’orage

13

vasque à la carotide

où tremble par à-coups

l’eau stagnée du réel

14

on ne reviendra pas

du pays dérobé

remontant les éclairs

15

fissure

tu désempares

ce qui se mure

16

moins le lieu

que le retrait de soi

sous le boutoir de sa présence

17

moins la sédation

que le diaphragme entrouvert des gouffres

où tenir est possible

18

chaque feuille porte nervuré

un sténopé de son visage

aux quatre bords de la maison

19

dans l’auge le reflet

de l’étoile a ridé

la peau morte d’une eau

20

l’aiguillage des pluies

diverge à la jointure

rouillée d’une gouttière

21

l’épine se confond

des rosiers et des ronces

où c’est le même sang

22

l’ardoise sur l’ardoise

étayée par la mousse

s’écarte de sa nuit

23

non moindre des dérèglements

le jour

transfiguré par le regard

24

dans ce pays lardé des eaux

tout est par elles

borroméen

25

les saumons n’ont pas

la mémoire des sources

ils remontent la mort

26

l’est a tourné sur lui-même

la ville y a posé

son torticolis de lumières

27

reniflant le sol

zigzaguent les chiens

perdus de la clarté

28

certes les branches

s’agitent mais avec elles

l’esquive du vide

29

extinction des feux

nous en rafistolerons

les suies matinales

30

oubliée d’éteindre

la lampe du voisin

rallume mon chien

31

phalène l’aboi

que la moindre lumière

suffit à piéger

32

je me réveille d’un poème

que je n’écrirai pas

parce que ça fait du bien

33

l’ombre de mon toit

crie mon manque de soleil

sur les toits d’en face

34

entre pleine conscience du présent

et pleine présence du conscient

une oscillation

35

tendre du corps au trait

fougère battante des veinures

à l’avant-bras

36

colvert en amont

de la douve où malheur

J’ai jeté mon mégot

37

fumée descendue

par les ravins ascendants

de l’intact

38

séparé du vent

j’entends ce que ma distance

écoute des feuilles

39

remblai du grillon

décompte de l’orage

ce qui fut creusé

40

déchirure horizontale

du soleil le clin

d’oeil au verger

41

toute courbe tiède

et droite l’eau la plus froide

son contre-viatique

42

à l’avec des jours

galet cueilli sur la grève

pour les jours sans

43

la terre une terre

celle des deux qui ferme

toujours ouvre l’autre

44

au ciel palindrome

une trouée d’humour noir

en quête de sens

45

écrire moins

pour le poème

que contre la page

46

car nous avons fait voeu

et nous avons fait feu

de toutes lumières

47

l’ombre cintrée du nuage

sur les lignes de dégel oranges

d’un pare-brise arrière

48

aube d’argile

l’oiseau n’y passera pas

sa charrue de trilles

49

moins la répétition

que celle des tentatives

de recommencement

50

à voix basse les branches

me parlent cet hiver

de l’ombre engloutie d’une feuille

51

l’absence de paupières

sépare les poissons

de l’alternance des rêves

52

le fruit des vains efforts

pousse sur l’arbre

d’à coté

53

fermeture éclair

épaissie du Cotten

tout s’use à l’entour

54

par la colline ouverte

passe

une fenêtre

55

vivre en ermitage

à l’intérieur

de mes gonds

56

à qui pisse plus haut

que la clôture électrifiée

les gamins… aïe !

57

la pie

chassant de face le chat

le guide vers le nid

58

dans le hall de Pen An Dalar

sous le buste vandalisé:

« délibérément non réparé »

59

à Guipavas

on fait décoller les avions

atterrir ceux qui volent trop haut

60

carrière

du ciel ouvert où je m’en vais

creusant

61

j’allume la télé

des gens pourraient venir

surprendre mon silence

62

fleur blanche du pommier

sans tige qu’une écorce

pas même une brindille

63

je mettrais le temps

dans tes Carambar

pour que tu l’étires

64

les gonds du sommeil

pris dans les cheveux de l’air

tirés par des ongles aveugles

65

l’été me terre me

désenveloppe le soir dans

un cri de feuille

66

le fusant des oiseaux caillassés

grillage l’épouvante

du ciel

67

surface aux ricochets de la clarté

nous sommes l’intersigne

de sa chute

68

je suis pays

drame de chair

et de parole

69

il y aura ton nom

disparu des cadastres

à l’embranche des chênes

70

le mascaret barrait le fleuve

tu le tenais de l’estuaire

comme une lame entre tes dents

71

j’étais au ventre des vipères

à regarder rouler l’écaille

vers la margelle de mon puits

72

du bleu se grise le gris bleuit

s’attisent

vers les mousses

73

l’éclair fut vif d’être porté

par l’inertie

des dépressions

74

tambour battant mené l’échec

un trou de plus à la ceinture

de nos soleils hypertrophiés

75

nous avions convenu

du plus long des poèmes:

ralentir ramifie

76

les épicentres mouvants de la nuit

racine et ligature par calandrage

dans ses gorges de nos souffles

77

l’odyssée de l’espace

c’était les phares des moissonneuses

derrière le gouffre des collines

78

je chante une rivière au bout d’un feu

tordu comme un bâton de coudrier

sur le cadran verdi des salamandres

79

brouillards de pixels démaillent la laine

en lambeaux sur la pierre des murets

retranchent les voix noircies de la neige

80

cheville au corps spongieux de la prairie

crue de lame à l’épaule

j’ai déjà traversé ces cerclages piégeux

81

s’enfoncent

les chemins creux

dans le ciel

82

caudale du jour pointée

les remous vont plisser

davantage sur l’ombre

83

les prédateurs

ajusteront la mire

à leurs proies aveuglées

84

le gong de mon esprit

vibre loin de son corps

je suis bien

85

l’ombre du calvaire

ne croit pas en dieu mais sa foi

est inébranlable

86

la discrétion

de l’ombre de nos morts

confine à l’élégance

87

l’ombre de la poudre

dans l’oeil

de la proie

88

le ciel

est l’ombre

de la mer

89

le fruit

vise son ombre

avant de chuter

90

l’ombre bleue de la neige

traverse les congères

au biseau des parcloses

91

pénombre

pop-corn

de l’ombre

92

l’ombre de l’éclair

foudroie

avant l’éclair

93

si l’ombre nous est fidèle

que dire alors

de celle de nos chiens

94

jamais vu

mon ombre

en rêve

95

la sève

est le sperme

de l’ombre

96

n’être que l’ombre

de soi-même

y parvenir

97

l’ombre de nos gibiers

n’est pas aussi glaciale

que celle des abattoirs

98

je lis dans les ombres

comme d’autres

dans les lignes de la main

99

l’ombre où je me retire

est moins épaisse et plus poreuse

que celle où tu t’avances

100

sur l’ombre polychrome du vitrail

des résidus de pluie se hissent

du centre vers les bords

101

sous la chapelle

il y a l’ombre

païenne d’une source

102

entre deux ombres de la nuque

sur terre

nous balançons

103

idée d’une harmonie

la diagonale

des ombres

104

collet d’ombre

le filament

des ampoules

105

la pêche à la mouche

est un sport de combat

arbitré par des ombres

106

hors l’ombre

il n’est

que pointillés

107

que bat la pluie sur mes carreaux

sinon l’appel

de son enfance

108

j’entre dans les migrations de l’air

pour qu’un souffle coupé

se referme d’ouvrir

109

ne se ferme ni ne s’ouvre

un livre

où entrer

11O

sous ses habits de branches

la cendre est nue

de nos feux apocryphes

111

l’argentique est sonore

de la vague où la lune

hameçonne ma ligne

112

ici même les poteaux de ciment

s’entichent

d’imiter les menhirs par la mousse

113

tu croasses par trois

déchiffres

le silence

114

corbeau dans le verre

vidé de ce jour

où goutte sa trace

115

tous les oiseaux

sont les parois de nos aisselles

en cavale

116

demain je tronçonne les pancartes

du « Parcours santé »ça me fera

les muscles et du bois pour l’hiver

117

embuscade au calvaire

humour

de gendarme

118

le jogger n’entend pas

le pas des abeilles

dans la ruche

119

rappel de ton ordre

dispersé par les routes

où je me décroisais

120

en rêve j’accède

passant par la chapelle

au bleu du hameau

121

plus de corde raide

où désormais je vole

de tes propres ailes

122

ta main meurtrie de roses

caresse encore mon front

mémé

123

plus de corde raide

où désormais je vole

par l’aile du hameau

124

première faille d’un monde sans question

les vapeurs du lavoir

à contre-fer des lessiveuses

125

première question d’un monde sans faille

jusqu’où la profondeur

sous le savon des nappes

126

on y lave

aujourd’hui

les voitures

127

à Callac

les flics perpétuent l’usage du lavoir

ils se planquent derrière

128

géologue des pluies

la brouette de fer

en distingue les strates

129

caillou dans la bétonnière

négligée par l’apprenti

concasse ses oreilles

130

celle de tes pierres qui regardait la lune

vole avec tout le muret

sous le talon du maître

131

la barque d’argile

au bief argué de tes mains

patiente sans preuve

132

vain tout espoir ici rien ne repose

qui ne fut pas déjà dans le mouvement du bâton

qui égraine la vase à hauteur de lumière

133

moins de jour que de ciel

puise aux branches la force

de les démêler

134

j’en mène pas large

mais l’autre côté

m’attend dans sa barque

135

ce jour durera

entre deux creusements

dans les troncs

136

flaque des secondes

dernière marche foulée

vidée comme on craque

137

ouverte à quoi ?

la cage d’escalier

qu’au renoncement du surgit

138

nous habitons l’open space

de maisons dont les cloisons

sont désormais dehors

139

ayant tatoué l’algue

au mitan des chevilles

allégeance fut faite au mélange des peaux

140

grains d’une même fraîcheur

remontés par la plante

des sables à nos pieds

141

même le rocher de saint Efflam

a des airs seventies

d’hôtel abandonné

142

les stations balnéaires

ont ici la beauté

déchirante des friches d’usine

143

du sable au plancher

de l’accélérateur

nos pieds sur la corniche

144

il y aura toujours

la mer dans des bouteilles

où se jeter

145

ni moins profonde ni moins lumineuse

la face immergée des bocages

et des visages taillés dans l’iceberg

146

phalange élargie par la serpe

trois tours aux manches des chemises à carreaux

salive aux mains pour le travail ou la castagne

147

pour qui crois-tu ?

la date gravée sur la pierre

voûtée du linteau

148

le seuil compte l’usure

esquivée

de tes pas

149

ne cherche pas l’oiseau

par où poncer

le rugueux du poème

150

descendu vers l’Hyères l’abrupt

piégeant au même cerceau les coeurs et les vents

réticents aux lisières autres que les leurs

151

ceux qui longent la frontière

holographique des pins

coupent au retour à reculons

152

sans rive la rivière

serpente aux plus sombres des bords

du marcheur

153

main haute sur marée basse

l’enclave des étales

achemine

154

les vents ferment le ciel

béant sur la vase

où sourdent ses écluses

155

et tu balances comme les cloches

verdies de la chapelle

à travers ce qui vibre

156

la spirale des praires sur le sable

on dirait le plan des arrondissements de Paris

tu cherches le dixième où tu es né

157

Kings of Leon

résonne

j’invente vérander

158

le défi de la pêche

est-il encore de la prise

plus que de l’aurore du lever

159

peut-être c’est ça

vieillir

défier nos victoires

160

nous oublions l’un pour l’autre

que radoter le bief

est d’un lieu distendu

161

la truite sera belle

et l’arc en ciel fario

sur l’écorce nouvelle de ses vieilles encoches

162

on y croira mon frère

comme quand nous l’étions

à ce retour du sang

163

la pierre descendra le ravin

délogeant les vipères

et le soleil à mains nues

164

nous n’aurons pas de larme

pour le chat qui rampe mourir à la maison

éviscéré par le renard

165

on nous reposera

comme les galets soulevés pour rien

par les pêcheurs à pied

166

au jardin que je quitte

le petit toboggan dodu de plastique

rose jaune et vert

167

j’attendrai l’automne

pour aller moissonner

dans la pagaille de nos silences

168

à coups de bottes déchirer

ces nuages

mal découpés dans les flaques

169

droiture des pluies

même par vent de travers:

haraï-goshi

170

dans le verre ceint

comme une éponge

l’entre de tes mains

171

potier du vide

tu tournes autour

du tour

172

mais le mystère

de l’araignée

dans le ciel

173

demain propose

le sursis

de la veille

174

tu n’as que faire

de ces trombones

à tordre

175

sous la paupière

un hippocampe

ferme l’arbre

176

le filament

des branches tarde

à se répandre

177

une lumière se dédouble

du tremblement

des précédentes

178

n’ouvre les yeux

qu’au battement

de tous les coeurs

179

tu entendras

l’ombre du mur

grattée par l’aubépine

180

partir

finit toujours

par arriver

181

venir

commence

par partir

182

toute parole

a quelque chose à dire

de moins que le silence

183

l’espace où résonne l’écho

montagne église aéroport

c’est la demeure du chiffre

184

va voir dans le miroir

la platitude des visages

parmi les volumes

185

la mer est de trop du nombre

comme le ciel aux étoiles

pour céder au comptage

186

par effraction

c’est l’effraction

que l’on pénètre

187

les vaches

ont raté leurs études

à cause des mouches

188

n’étaient ces nuages

le ciel se planterait là

les bleus ballants

189

charpente tombée de l’ardoise

épaule par-dessus tête

la tienne ?

190

hirondelles par sept

grande-ourse

fusante

191

quand le soleil

ovule

aux plafonds

192

je cherche l’angle

-à vif

où ne serait pas ton absence

193

l’arête incurvée

d’insignifiants détails

plus durs aux érosions

194

la herse de tes doigts

dans la jachère

des vents

195

je trouve au bas du corps

la pénombre d’une lisière

voûtée sous l’aquatique bruissement des trembles

196

lumière des étoiles mortes

à travers le ruban bourdonné

d’un attrape-mouche

197

d’acuité

qu’aux paroxysmes

de l’éphémère

198

la roche

est le verbe très haut

de Dieu dans les calvaires

199

raté comme un train

le poème

de ce matin

200

les mouches

aimantent mes démons intérieurs

vers une sortie provisoire

201

le pays des souvenirs perdus

est d’une terre grasse

à la colère

202

réincarné en racine de patate

puiser ma force dans la terre

me laisser remonter vers le jour

203

silence du matin

se cherche un corps qui dure

je lui offre ma condensation

204

sur la tasse à café

fume un cercle de forêt

sans rien toucher des bords

205

rentré dans la maison

plus d’air par la fenêtre ouverte

qu’en toute la vallée

206

les muscles ont mieux dormi

que mon esprit je le venge aujourd’hui

par les muscles

207

j’avais perdu la mémoire des mains

je la retrouve éclairée

d’ampoules

208

la tectonique des pluies

soulève par plaques

la clarté de mes champs

209

nuage au coin des sueurs

descendu

par les yeux

210

sous la fourche s’embrase

une fumée de paille

des tas de la veille

211

je dormirai dans la fourbure

d’une impatience fidèle

aux endormissements

212

s’il est un centre aux soirs

je me sens

de ses bords

213

s’il est des bords au matin

je suis

de son milieu

214

s’il est une échine aux courbures

j’en suis

la plénière

215

et si je suis un autre

c’est sa tête

relevée

216

mes mains en caverne soufflées

la chouette me toise

elle a toutes les cimes

217

plus ou moins profonde

selon l’arbre la nuit

passe de l’un à l’autre

218

à chaque frondaison

sa propre vague

selon l’espèce

219

« océan de verdure »

admettons

mais clapot de travers

220

de minuit à minuit

du règne végétal

deux expirations

221

je viens seulement de remarquer

la courbe de la rampe d’escalier

je pense au menuisier

222

le kan ha diskan

après la pluie

de la pluie

223

sous la pierre qui tremble

l’air où nous fûmes aimés

casanier de son souffle

224

dans les fleurs partagées

s’envolent les jardins

vers d’autres pissenlits

225

tous ceux que croyant perdre

nous perdirent trouvés

les amours et les morts

226

on ne fait pas son deuil

nous sommes toujours

trois

227

à la ceinture c’est le même couteau

j’ai de l’écorce

dans l’Hénaff

228

ball trap du poème

n’en ramenant que douilles

de cartouches

229

derrière le dernier pas

celui que nous ne ferons pas ensemble

j’avance

230

dans la parole foulée

vers l’entorse des yeux

j’avance

231

j’avance dans l’ornière

où tu pourras pister

plus bas que le brouillard des larmes

232

je creuse un chemin haut

à renverser collines

aux paumes ouvertes de tes poings

233

ainsi tu n’auras qu’à souffler

le baiser de ta main lasse

tu me verras trembler sous la coulée des feuilles

234

je me retournerai

des terres où plus rien ne se juge

pour être encore ton père

235

je te détournerai

de l’illusoire éphéméride des chagrins appris

pour le pays sauvage aux douleurs empiriques

236

tu souffriras certes

mais dans l’expropriation

des frontières communes

237

territoire

de toi-

même

238

la torche du baigneur

n’éclaire

que son effroi dans l’étang

239

dans les terres arables

un ossuaire de bêtes

sous le Rotavator

240

je me suis levé plus tôt ce matin

faisant peu de confiance

aux boussoles

241

mais le dos rond de l’astre

est derrière

la forêt

242

puis-je me fier

à l’abat-jour faiblard

d’un nuage trop long

243

crâne rasé de frais

mes cheveux dispersés

sur l’invisible rosée

244

je me devrai de déplacer

cette énorme pierre

zafu d’un temple de buzug

245

quarante et une gouttes de pluie

en cortège serré vers le milieu du fil à linge

à la même heure hier aussi

246

figure de quelle proue

cette pluie qui m’oblige

à l’encadrure ouverte d’une porte

247

visage de rien

qui s’accommode d’une attente

verticale

248

le requiem de Dvorak

tordu par la météo

célèbre les vivants

249

ce n’est qu’un crachin

visible par la seule vitre des feuilles

fluctuant de gouttières percées

250

c’est du son qu’il nous pleut

dans le mutisme d’un vent

qui écoute bouger ce qu’il bouge

251

peut-être entre l’alternance

des balancements de cimes les pleins

et les déliés d’un alphabet de bourrasques

252

ne pas s’immiscer

plus près de ce que l’épistolaire

du végétal entrevoit de nos chairs

253

ne sommes d’aucun drame

outre la promiscuité

des trous de plus à la ceinture

254

la nuit n’est large

qu’entre les rives ponctuelles

de sa barque percée

255

encore que corps se fasse

par les écluses ouvertes du cœur

à la chamade des matins

256

il suffira de l’habitude d’une claie

pour endiguer

la dépliure des volets

257

plus tard le psychotrope

descendra dans les crampes

des mollets débottés

258

tendre du talon

vers le plafond des phrases

reculant

259

le coq aura son cri de fer

et moins de fer dans le couteau

que sa gorge tendue

260

ne saurai pas ce soir

si le carbone des feuilles

étame la nuit

261

juste le poids des habitudes

fendu

par une gueule de bois

262

comme je sors

j’entre dans l’église en ruine

d’une lumière

263

le sable mouillé

d’une inexistante plage

remonte les parois de l’air

264

loin la charogne d’azur

soleil équarri

sur le triple tranchant d’un nuage

265

tant de mauve et de noir

a moins de couleur

que de creusement

266

l’espace

embaume le renfermé

par l’embrasure des tourbes

267

d’une forêt de fleurs

genou réfracté

dans l’eau droite du vase les tiges

268

l’illusion rompante du jour

que déjoue

son pluriel

269

devant l’affaissement d’une apparence

la comète des courbes

ne fait que passer

270

le désespoir

est de sa propre masse

l’orbite

271

tourne sur toi-même

dervish

ta douleur centrifuge

272

je remercie la mouche

d’avoir échappé

à mon meurtre

273

il gèle sans geler

stalagmites

le soir et les arbres

274

la planche verticale

ondule sous la tôle rouillée

qui tient par habitude

275

seule

une plus haute branche

souvient

276

plus rien ne penche

du côté

où ça tombe

277

dernier horizon

l’onde de la cloche

de vingt-deux heures

278

crisse un caillou

rameuté

sous la porte

279

tandis que j’écris

le papillon

venu mourir sur le poème

280

j’enlève la clef de la serrure

si je meurs cette nuit

ils n’auront pas à la casser

281

qu’aurait-il à voler

celui qui porte close

trouverait mur ouvert

282

il n’y a rien ici

que l’amour à passer

trop proche du trépas

283

je parle entre les lierres

grimpants

d’une invasive parole

284

l’audible d’une sphère qui bat

selon l’heure du pissenlit des trottoirs

ou du foudroiement de l’attente de rien

285

refuge des respirations

compter comme les pierres

l’enfoncement par la base

286

l’alignement cosmique

des round ballers sur la pente

du ciel

287

elle prend son temps

l’inéluctable transformation

du cycliste en crapaud

288

cet hiver je prendrai des bains chauds

sous la pluie

dans le lavoir de ma grand-mère

289

tu voudrais ne garder des mots

que ceux dont l’issue

déplie le poing d’une cime

290

à soulever ainsi

l’horizontal treillis du langage

se brisent les soudures

291

combien de temps tiendras-tu

sous la griffure torsadée des fers

lâchant les uns après les autres

292

non décidément

rien ne se peut forcer de la beauté

que l’absurde scintillement de l’effort

293

sous l’extrême fleurissement de la durée

la terre n’entend rien aux solfèges

qu’une ponctuation de pétale tombé du silence

294

c’est là dans la trémie

renversée de l’humus que me trouve l’accord

d’un arc en terre

295

j’aime au double sens de pied de biche

la trace fraîche des vasières

et le soulèvement des sources sur son pas

296

je n’irai pas plus loin que la nausée

dans le commencement d’une étoile

ou l’agonie de l’autre

297

demain m’achève

dans l’espérance des forces

qu’hier aura manquée

298

il suffira de se tenir

à cette barre du souffle

au-dessus de la gorge

299

de ne pas présumer

de la trajectoire d’une aile

raccorde le corps à l’oiseau

300

le voici donc ce fameux jour

sous la promesse d’une voûte morcelée

l’éboulis figé de ses mottes célestes

301

cette fois malgré la forêt

aussi nettement que la blessure ouverte du coq

l’est a déclaré le halo de son nom

302

je tiendrai moi aussi

le rang de ma sphère avec la transparence

et le tranchant du quartz

303

l’herbe s’évapore

aux coins d’un jour

où tu ne viendras pas

304

je n’irai pas crier famine

à la nuit ravinée

sous la hache du cœur

305

le matin m’attendra

comme je désespère

de sa trop vive venue

306

sous la lune entre les cyprès

l’océan

dans un nuage

307

n’ai plus besoin d’écrire

je dors dehors

le dos contre la terre

308

c’est au ras du silence

que la couleuvre passe

l’haleté d’une poitrine endormie

309

c’est du ras des pâquerettes

qu’on voit le mieux

l’étoile

310

que les moustiques aillent gratter

plus haut la chair

de ceux qui me piquent

311

plus la patience d’un ange

pas le courage du diable

resterais cet homme à convaincre

312

il se dit dans les basses sphères

qu’écrire à la lueur du briquet

finit par brûler le pouce

313

j’entends des voix derrière la haie

je vois la haie

de toutes voix

314

la taille est douce

des allées que je te défriche

anguleux

315

d’entre l’espoir et l’espérance

il n’est de gagnant du deuxième

que de déçu par le premier

316

sur le carnet

Clairefontaine neuf

trois petits galets soulevés

317

le commencement de ce jour

a du creux de la vague

la grisaille et l’élan

318

tu prends conscience

où celle des couleurs

précède

319

depuis la plage l’ombre

découpe à peine

la mer

320

à la passe du golfe

la pleine lune enfume

l’hélice du moteur

321

L’Atlantique chavire

à tribord sur Locmariaquer

elle ne sombre pas

322

sous la mâchoire des îles

écume

la mort

323

nous traînerons vivants

sur l’encore debout

nos carcasses filantes

324

tout écarter de soi

qui n’est

que trop rempli

325

céder à la rupture

mais que faire de ces bouts

de ficelle

326

j’aurais aimé garder mes liens

mais j’en fus affranchi

par celles que j’aimai

327

je marche sur l’étang gelé

qui dérive

sans rive

328

la trace charbonneuse

de ce qui ne fut qu’entrevu

de l’oiseau dans le ciel

329

sur la glace je me demande

si l’ombre vient d’en bas

ou si le froid la fige en surface

330

enfin quelques fusains

trop bas pour accrocher le vertige

assez pour l’horizon d’une ancre

331

j’ai gardé l’écorce d’une langue

sous votre plaine cruelle l’aubier vernaculaire

dont je fais mon bivouac

332

un jour je ne rentrerai pas

j’irai blanchir mes os loin de l’équarrisseur

parmi les crânes remontés de nos bovins

333

le vétérinaire de Callac

me dit qu’on menait autrefois les chevaux agonisants

s’engloutir dans les tourbières de Lannéanou

334

la résine d’un éclair

attendait l’interstice

où déverser sa floraison des pierres

335

j ‘accoudais au dernier pollen

l’appui de ma fenêtre

ouverte à toutes saisons

336

la jointure du moellon

balbutiait de lichens

sous les gonds calcifiés du volet

337

je creusai la fouille des frimas

sous le palais sauvage

de ses plus grands millésimes

338

nous sommes quelque part

entre l’adret de laves rampantes

et la gerçure étoilée d’une cluse

339

les dernières expulsions de vapeur

par la cafetière

suffisent à rabattre l’alarme

340

à celui qui les ouvre au plus tôt

le concours de volets

est un sport de campagne

341

c’est le pas qui règle le souffle

il est l’amont d’une écriture du corps

à travers pages

342

le balancier du sang

remonté des poignets

maintient l’équilibre du doute

343

la perspective d’une venelle

régresse

où tu t’élargiras

344

il faut que le trottoir achoppe

où l’herbe disparaît

sous le rythme oublié de ta marche

345

il faut venir à ta maison

rentrer dans son dehors

où t’attend le poème

346

passer le totem

des pierres levées et des poteaux

où crépite et croasse

347

courber sous le cintre

invisible des réseaux

toutes les choses vues

348

tu sais sous chaque colline

la frontière des talus

l’ouverture où traverse

349

ombre au tableau criblé

de son visage -crachin

perçant à nuit le jour

350

il pleut comme il neige

avec apparition fugace

de silos tourbillonnants

351

vaincue la netteté

des arbres où seul surnage

l’affleurement des roches

352

dans la maison noyée

l’enfant s’accoude

à l’aquarium de sa fenêtre

353

mourir

sous la fracture d’une seconde

tombée des branches du taillis

354

revivre par

le taffetas d’un cri de bête

sur la nuque

355

vers l’orage où s’indistingue

nous convenons de lui venir

convives nus sous son festin

356

je sais les branches qui t’attrapent

au souvenir du feu mouillé

la brume pauvre de son âtre

357

et la fumée des tronçonneuses

élaguée de froidures

sous des cieux incertains

358

je tourne avec la chèvre

autour de son piquet

déplacée des pâtures

359

la fleur désencombrée de ton visage

son souvenir

ne fane pas

360

pétale dévalé

la bauge où je m’étale

est fleurie de nos tiges

361

les amants séparés

désunissent la distance

entre leurs sols foulés

362

le même firmament

désengage son souffle

à nos draps apaisés

363

le jour

n’est qu’une porte ouverte

dans la nuit

364

ne suis plus loin dans le bocage

que d’une route plus droite

après remembrement

365

l’asphalte sur ses bords

est percé de couleuvres

d’avant son tracé

366

les mûriers croisent la neige

à l’écart des souvenirs brouillés

par les automobiles

367

elle grimpe la descente

dans l’habitacle soudain

d’une radio locale

368

entre Duault et Saint Servais

tous les sapins

sont de Noël

369

fourrure du renard percée

de plombs l’âme de tes ancêtres

hante le poulailler

370

l’os en fourche du plexus

de chaque poulet

j’en fais des colliers

371

le trappeur de mes rêves

est l’automnier désembusquant

le vestige des huttes charbonnières

372

nous donnons à la race de nos chiens

le nom des suies

qui les précédent

373

laitances là-haut sur du bleu

d’être l’hésitation même

vous allez sans venir

374

le nuage est l’instant

des mots qui ouvrent

notre espace

375

il suffirait d’une pierre plus ronde

avec du ciel dessous

nous y marchons déjà

376

le ciel descendu

plus bas que ses étais

de pluies et de mâts

377

la mer écroulée

lui montait comme une gorge

au col de sa chemise

378

j’étais voyeur

d’un monde

nu

379

je largue à l’océan

ma cambrure d’hippocampe

et sombre sans couler

380

ma ligne de flottaison

quelque part plus haute

que la calligraphie des figuiers

381

assis sur les collines

à vol d’oiseau mon front

contre les arbres de la vallée

382

je donne le change aux couloirs

d’entre les cimes à respirer plus bas

moins contraint qu’un méandre

383

les deux faces d’une feuille au vent

faseyées c’est l’arbre tout entier

qui tourne sur lui-même

384

les racines protègent

les talus d’ozone

des glissements de la lumière

385

sous le soulèvement

de chaque grain le pesant de son ciel

lesté de notre attente

386

la plage traversée

des sables où se mire l’étoile

brille de mille de ses feux

387

nous relevons le pas

sur la diagonale orageuse

de nos prédécesseurs

388

ne redoutant que d’avancer

vers la probable source

où tourne l’ombre des charognards

389

l’abri du ruisseau

contre-court l’amont

de ses pierres sonnantes

390

j’habite le bruit d’une rivière

dors dans les fondations

de ses fontaines

391

s »émoussent les poteaux

de l’encablure

d’une mer

392

sphaigne

où finit

l’écho de nos cris absorbés

393

il y a des visages

que les heures franchissent

au dessous des souffrances

394

leurs yeux comme des friches

à jamais suspendues

à la haie des sourires taillés

395

des corps embrasés de révoltes

silencieuses qui s’entêtent

à ne rien correspondre

396

des mères au veuvage taiseux

la lampe de chaque bras

dans la manche de l’autre

397

la paupière à demi close

fixe un point sur la table

où converge tout ce qui se dit

398

les enfants et les chiens

le vacarme des chants

cette femme sait tout de l’amour

399

nous restons sous la lune

à contempler ce qu’elle entoure

d’un cercle mouvant de nuages

400

comme à la bagarre

ne cherche pas les mots

qui ne te trouvent pas

401

il faudra te désemparer

pour éviter

de l’être

402

dedans la nuit mue

les plaies

en couteaux

403

l’anse de notre dernier jour

pèse déjà dans les plis

comme un seau déposé

404

puisatier de l’envers

du décor tout est là

mille fois retourné

405

tu peux rôder des mains

sur l’ardoise magique

de l’air que tu brasses

406

pourvu que la gangue

de ton passage

ne soit fourreau de personne

407

le silence supporte

son silence il sait

lui qu’il n’est pas le silence

408

la nuit supporte sa nuit

elle dit qu’elle est une autre forme

de lumière

409

la pierre en son for

intérieur donne à voir

la nuit le silence

410

et toi qui ne sais plus qui tu n’es pas

comme si de regarder les pierres

tu pouvais en être

411

je veux nourrir le feu

du souffle des fagots

et de jours reportés au lendemain

412

ce n’est pas le rideau qui bouge

mais la gâchette des yeux

quand tu tournes la tête

413

je veux vivre ma vie

toutes les vôtres ramifiées

de ralentir

414

je serai le fou du village

et le village des fous

l’aumône du prêtre le couteau des voyous

415

ivre de douleurs ininflammables

que faire de ce feu

dont la fumée seule penche sous la pluie

416

jette à la harpe

ici personne

ne joue de l’oud

417

comment ce brusque durcissement

de l’air au nord ouest qui pleure

la méditerranée

418

peut-être que les mots sont du sud

c’est vrai que le breton

désigne plus qu’il ne parle

419

les lieux communs

ne sont plus dits

du désormais secret des feuilles

420

ur maligorn dindan ar glav

compter les escargots sous la pluie

ne berce plus nos enfants

421

je suis là dans le téléphone

qui te chante à vingt et une heure

une langue étrangère

422

je te promets de refondre

le plomb dispersé

des vitraux de ta voix

423

l’avis de tous est toujours contre

la singularité

de ses anciens pluriels

424

ur maligorn dindan ar glav

fall eo an amzer

met benn arc’hoazh vo brav

425

une rivière muette

coule sous les syllabes granitiques

des chaos du Korong

426

à la surface une tour de Babel

horizontale où vrombissent les langages

de la transparence des ailes

427

les libellules allument

toutes les fééries dans les yeux

des enfants et des truites

428

nous jouons avec la mort

à dévaler les commissures

de roches gouleyantes

429

plus haut les landes de Locarn

où s’abîment les mauves

d’un orage parmi les ajoncs

430

des étoiles tombées dans la rivière

refusaient de faire

le voyage à l’envers

431

à moins que ce ne fut l’inverse et que

de s’enfoncer davantage dans les eaux

le ciel se soit consolidé d’un puits de leurs moellons

432

passage désormais

d’une ouverture à nos regards

plongeoir de perspectives rapprochantes par le bas

433

tout leur fut donc pardonné

d’une escapade verticale

avant que de rejoindre les grandes plaines de leur voie

434

c’est l’aube

entre deux saisons qui maintenant

me voit ne plus la regarder

435

sommes à l’interstice

des lames

du store

436

ce n’est plus l’été qui n’est pas l’automne

à gravir par la face nord

du souvenir des précédents

437

j’écris dos à la fenêtre ouverte

remonte le vent d’une pluie sans

par le truchement de ses basses pressions

438

c’était l’heure où la cendre

tombait

dans les verres

439

le lièvre dans les phares

démultipliait

l’enjambée du maïs

440

à la loupe des pluies

le gravier du parking

de la discothèque

441

les portières claquaient

la sourdine des basses

devant les néons

442

la fin

pouvait commencer

de la fête

443

j’ai revu le lièvre ce soir

écouté

le mutisme des maïs dans le crachin

444

la corde du monde balance

autour de l’axe

des vivants

445

qu’avons-nous fait de nos morts

qu’il faille les brûler

tenir dans l’urne du moins de place

446

je voudrais comme Bram Stoker

voyager dans une barque

avec la terre de mes ancêtres

447

ce sera sur la mer le silence et la nuit

ni plus ni moins que l’interlude de mon visage

effaré par ta présence

448

rien

ne nous serait décrit

des formes où se tenir

449

la lueur palpe

halo du milieu des champs

qu’elle ne voit pas

450

tu donnes à voir aussi

ce que sans doute

tu ignores

451

pour quelle raison

échapperais-tu

au service des cercles

452

tel volet que l’on ouvre

est de battants

qui se ferment

453

va

dégonde

les langages

454

écarte cet espace

où se pourra chérir

le corps dans ses bras

455

tu as le droit de t’aimer

par détriment et provision

des signes qui t’échappent

456

sois

l’abandon où toutes choses perdues

se trouvent sans chercher

457

l’amont se penche

comme une pierre trop lourde à ton cou

dont l’attache s’effrite déjà

458

poussière ou rosée

haillons retendus sur la toile

écrire comme l’araignée

459

silence et vastitude

écrire sur l’éponge jetée

du boxeur à genoux

460

le froid ressasse

où lui résiste

le tremblement des ventres

461

garrot ce qui mesure

étrangle ou préserve

le flux

462

la chaleur de la terre

s’attarde matinale

sur l’épaule embrumée des chevaux

463

délitement levé

le matelas du sol

où transpirait la nuit

464

chaque geste compté

jusqu’à la trahison

de la première clope

465

on fume le reste du jour

l’élevage du saumon

l’abaissement des marées

466

le niveau de la mer

augmente comme on creuse

de s’en désengloutir

467

nos châteaux sont de sable

un enfant sur la plage

me l’a dit

468

plus avant que ne présume la nuit

l’échec ou la réussite

définitive du matin

469

du plafond de mon lit

descendent les volumes ardents

de corps trop loin pour s’y chauffer

470

fermées les chapelles

jetées les clefs des poitrines

derrière l’allée de boules ensevelie

472

je veux ne pas croiser

ton entre-jambe déplié

derrière des saules inconnus

473

les lierres de nos désirs

accrochés à nos branches

par la fibule des chairs

474

les lisières qu’il en reste

il en reste toujours

où contourner l’aboi du manque

475

au galandage des collines

le verdoiement de l’une

sur l’ombrage de l’autre

476

que le choucas se taise

avec les chiens qui se disputent

les rougeoyantes chairs du soir

477

le brin résonne dans l’air

dépourvu de la nature multiple

de ses superpositions

478

le chant des tiges s’érigeait

contre qui pouvait l’entendre

les repentants et les poètes

479

passe l’orage d’un avion

sillage décroché

de son poing

480

il y aura des fleurs

dans la santé

des choses mortes

481

où notre cœur battait

la pulsation de la terre élèvera

celui d’un autre qui sera nous

482

dans le doute

je ne m’abstiens

pas

483

toujours pris

les proverbes et le reste

à l’envers

484

au royaume des borgnes

les aveugles

sont rois

485

il y a fort longtemps

que j’ai lâché

la proie pour l’ombre

486

les premiers n’étaient encore derniers

que sous le crucifix

de ma chambre d’enfant

487

tandis que je priais

Dieu passait sous ma fenêtre

chevreuil foulant les coquelicots de Plouisy

488

deux traces d’héroïne pliante

maintiennent le dossier

de ton dos relevé contre chaise

489

cloison nasale déviée

appuyer vers la droite

sur celle de gauche

490

inspirer fortement

le rouleau du billet

qui vaut moins que le gramme

491

peut-être nous figurions-nous

suffisamment égoïstes

pour nous croire résistants

492

ainsi soit-il

de l’inconnu dévorant

qui ne juge personne

493

l’automne n’est pas une saison

c’est la terre envolée sous les feuilles

au pays des regains

494

l’automne n’est pas cette marée basse

des sèves découvrant les casiers

de branches où rien ne se piège

495

l’automne c’est l’expiration de l’air

sur la mèche à la cire mélangée

des matins et des soirs identiques

496

ne sais

si je plonge vers

ou remonte de

497

la question porte moins

sur le sens du mouvement

que la conscience de son œuvre

498

opposer à la baïne

de lui survivre

par inertie

499

l’acuponctrice a décidé

de me peler

comme un oignon

500

je sais

que je remonte

d’où je plonge

501

je vois les faîtages effondrés

sous les bombardements

des cheminées qui leur résistent

502

j’ai des pignons de pierre

en intraveineuse

par la vernaculaire

503

mon sang mêlé de sel

d’arpents et de faucilles

en peine de cadastre

504

ne trouve que des pierres

échappées aux murets

par le creuset des pluies

505

caillasses comme poux

remontées du cuir

chevelu de la terre

506

et cette langue morte

dans la bouche des vivants

son odeur de rat crevé

507

je repère encore la vipère

par le nez ce qu’elle dégage

de soleil et de mort

508

truffier des ondes

mon groin s’enfonce avec deux ongles

dans vos chairs

509

il n’y aura plus de chambre dite

à l’encoignure des talus

qu’une mémoire tue de ne pas désigner

510

ainsi nous errerons

dans le pays traversé

par le fantôme des chemins

511

mon fils de trois ans

a ferré puis ramené sur la berge

sa première truite

512

tout est sauvé

tant que rien

ne se gagne

513

ils sentaient le ciment

l’alcool et le tabac froid

la sueur mes héros de l’enfance

514

chaque poigne sous mes bras

leurs genoux cagneux

ne valdinguait que mes rires

515

tous les outils autorisés

sauf

la grande faux

516

la pierre à fusil

à hauteur de crachoir

faisait chanter la lame

517

la pêche et la chasse

confrontent celui qui ôte une vie

à l’amour de toutes les autres

518

je ne comprends pas cet esprit sportif

qui veut que l’on relâche une proie

plutôt que de la manger

519

parcimonieusement

vivre nous avale

et nous recrache

520

on s’accommode de se désaccorder

du grand orchestre cosmique

à s’en prétendre chefs

521

je dis que tout ce qui vit

vit

qu’une patate souffre de l’épluchure

522

l’air d’ordinaire confiné sous les branches

déborde le lit de sa prairie

dilate la fendaison des toits embués de bleu

523

on ne sait trop si là-haut

transhument les nuages d’aiguilles

ou brille la déformation du concave

524

sur la place fourmillante du marché

l’aura soudainement visible des chalands

auréolée de myriades d’épingles

525

la nuit ne fixe rien à l’oeuvre

qu »une peau sous la racine du nez

tendue vers la gorge baillante

526

tu te souviens de la dernière prise

celle dont tu doutes

exsangue de tes mots

527

le silence suppose

l’intention d’une absence

dépendante des autres

528

ainsi tu vaques coming-out

dans la reconnaissance

inattendue de toi

529

je te connais menhir

qui me parle de moi

de l’adulte au plus dur

530

tu me connais menhir

qui me parle de toi

de ma plus tendre enfance

531

je t’enlace menhir

et le monde s’embrase

autour de ton axe

532

je sais qu’on me dira

fou de pierre

dénoué de la camisole des croix

533

dans les landes où rien ne s’affaire

que l’ukemi des ronces

le kimono des os

534

par la nuque ou la manche

fauché balayé

sur la hanche du vide

535

la ceinture des fougères

est d’un noir si profond

remonté des racines

536

joindre le poing gauche

dans la paume droite

est de geste végétatif

537

il ne suffit plus de dormir

ou de veiller assez

pour zieuter l’ouverture

538

la ressource est sans fond

qui nous ouvre

les yeux

539

je longe des mains la paroi de mes murs

y cogne le front comme si de le fendre

ton souvenir pouvait éclater

540

que faire de carotides

par où remonte l’image

de ton soleil vrillé

541

les refends sont sourds

de l’extérieur

ne s’approchent qu’en braille

542

tu retiens la distance

élastique des clans

dont j’ai cru me couper

543

dehors la nuit retient

le cadran vertical

des eaux dont l’horizon seul s’envisage

544

la pierre du soleil

dans l’herbe de demain

verdira tous les raz

545

nous sommes en retard

d’une rivière

d’avance

546

bientôt les gels follets

le feu des herbes matinales

s’évitant sur la rosée

547

nous y mettrons du cœur

à l’ouvrage des draps

refusant de s’ouvrir

548

dans la tiédeur de ce qui bat

les draps et les cœurs découverts

augmentés du dehors

549

l’étincelle des choucas

menace de briller

sur les toits en jachère

550

tes ongles frappent sur la table

des rythmes dont eux-seuls ont la mémoire

mais tout-à-coup le souvenir de ton père

551

ta jambe bouge frénétiquement

de la chaise au genou qui calme le sang

puis tout-à-coup le souvenir de ton père

552

tu fais tes courses au supemarché

quelqu’un que tu ne connaîtras pas:

t’es pas le fils à Jo ?

553

tu passes devant le cimetière

parce que c’est sur ta route

pour aller ailleurs

554

extrêmement dû

l’ instantanément redevable

de tes lieux

555

maintenant je me souviens

l’éternité

des feux assis

556

d’entre la tourbe et la falaise

nous n’étions pas les moins coupés

du solde de la mer

557

une paire de Doc Martens

pour vadrouiller jusqu’à Paimpol

fumer charpentes de L’Arcouest

558

nous avions voulu rompre

le saut des talus

l’obédience des champs

559

la graine des chapelets

décomptée sur les doigts

paupière balbutiante

560

l’accent perpétue

l’écho familier

d’une langue étrangère

561

flamboie l’idiome

des chapelles ardentes

n’en finissant pas de s’éteindre

562

ferrure des nuits marquée

par la clanche trop large

de lumière dans l’étroit

563

j’entrebaille une flûte irlandaise

aux quatre coins de la maison

par ses six cavités

564

ce qui glisse c’est l’ombre

de mes doigts sous le cuivre

tubulaire du jour

565

je n’ai pas fermé l’heure

de la nuit

parfois plus claire que le bleu marine de ses yeux

566

ces nuits qui reviennent frapper

à la porte de derrière les lisières

avec le poids de toute leur hauteur

567

l’effraction de la première étoile

à plat-ventre sur le seuil

mal voyant de mes mains

568

pupille progressive

j’avance dans le tâtonnement

de l’écho des taillis

569

des arbres en travers

repris à la mort par la souche soulevant

les sources où boivent les racines

570

blanche entre les ailes

la nuit balbutiante

des papillons d’octobre

571

aux cils battants de la saison

clignent les ouvertures

maison vers où s’abîment les clartés

572

on agonise comme nous achemine

le dernier néon

remplacé

573

j’aimai de la vie son velours

la digitale caresse des pierres

à contre-sens des mains

574

le fil de l’écorce

à travers la vision

du couteau

575

la foulure des bogues

parmi les feuilles triée

des châtaigners du Nézert

576

précédant quelque vent

la pliure inversée de ses pans

qu’habituait une pluie

577

pendant ce temps que les oiseaux traversent

les vitres d’une fenêtre à l’autre

l’éclat ressoudé de nos voix les emportent

578

vers quel pays furtif

abandonnons-nous la chaise

du dernier ami parti

579

le grincement des quatre pieds

sous l’intérieur de ses genoux tendus

sonne le ramassage du briquet

580

te voilà seul à rassembler

quelques fagots des autres

que tu ne brûles pas

581

tu préfères à la flambée

des chaleurs absentes

le froid de ta seule présence

572

nous irons comme vont les fleurs parmi

les fleurs anciennes dans l’interstice des roches

les travées de l’oubli provisoire

573

le transport des pollens

entre les pattes de l’abeille

ayant fait feu de tous ses miels

574

des murets du jardin

déborde une tempête

de ciel bleu

575

trouver de quoi me contenir

les quadrilatères du bocage pour écluse

au déversoir des hautes pressions

576

se peut-il

que tant de vide

ne nous aspire pas

577

étrange que le vent

geigne au passage de l’obstacle

plus qu’à l’obstacle du passage

578

où s’engouffre s’échappe

ce qui sémantiquement

devrait y sombrer

579

les corps sous les draps

les draps au plafond

les plafonds à l’envers

580

le bassin

pivote à nouveau sur son axe

à la traîne décalcifiée des comètes

581

regarde le monde

avec la surprise filante d’une étoile

quand la nuque descend dans le ventre

582

il n’est de mouvement

sans conséquence sur l’appui d’un autre

conséquent

583

je ne sais au bas mot de l’esprit

que la quantité fixe

de matière

584

désagréger ce que d’ostensible

j’avais menti pour vous

revenir grège

585

l’attente suppose le retard

dont les silences extirpés

s’accommodent d’avance

586

à la base des trembles

les truites aveugles se préparent

à l’inhumation du brochet

587

je t’apprendrai mon fils

à caresser l’arc du ventre

des proies à décocher sur la berge

588

la violence des sous-bois

c’est de l’amour

à contre-préau

589

je te dis que la fin

fait sortir

le bois du loup

590

je te dis que le loup

boise

notre faim

591

je te dis que les bois

nous entrent

par les loups

592

je dis que les bêtes

sortent par l’orée

des forêts assassines

593

et que nous finirons

sous la fumure

des feuilles

594

la seule clope qui manque

c’est

la première

596

le premier verre qui réclame

c’est

le dernier

597

l’addition des nuits soustraites

ne fait pas

un jour de plus

598
même sédimentée l’accumulation
des strates s’éclate par le fil
horizontal d’une frappe au tungstène

599
tu reconnaîtras sous la limaille du geste
les doigts et les visages criblés
de ceux qui l’ont porté

600
rapproche-toi sans dire
de ces êtres que l’on dit taiseux
bruissant de mille voix dans les basses fréquences

601
observe l’alignement de l’épaule
la pliure de l’index
entre l’Opinel et le pain

602
habite leurs pays écartelés
entre la vitesse d’exécution du travail
et la lenteur de prise d’un enfant sur les genoux

603
hommes-dolmens d’aucune prise au vent
femmes-menhirs
en plein dedans debout sur les seuils

604

il est plus facile de se tromper de beauté

que d’être sûr

de laideur

605

ne passe pas à côté de ce bond

ténu du cœur

au cœur simple des choses ténues

606

J’insignifie la syntaxe

la subordonne à la désignation

du mot

607

ainsi j’attends donc de me taire

lorsque l’heure venue je saurai

qu’il me reste à tout dire

608

la hutte n’était pas de sudation quoique

du charbonnier au sabotier

les terre-neuvas de la forêt

609

l’exil du souffle sous les branches

pèse comme une cabane

sur la poitrine des hommes et des chiens endormis

610

tournent les fêtes foraines

les caves se chambrent

et les chambres se vident

611

de l’autre côté

du quarante et un rue des Portes

il y a la vallée

612

gadjé tchouril et collboët

j’exhume de la casse

les phonèmes qui en viennent

613

comme si la mort pouvait être douce

ils sont tous morts disent-ils

de mort violente

614

finies les casses et les fêtes foraines

le dernier seuil de l’ordre

avant le doux chaos

615

d’un vrai feu qui craque derrière

tu poursuis les sarments

insoumis de ta voix

616

tu lis moins le monde

que celui-ci ne te relie

à l’étrangement inhabité du nôtre

617

combien de couvercles sur les

lessiveuses

comptent autant de vapeurs

617

chaque fois

que je viens te chercher à l’école c’est moi

que je ramène

618

chaque fois

que notre visage se sépare c’est toi

qui me rapproche

619

nous allons dans la nuit

ou bien à la piscine de Plijadour

séparer notre paume

619

les arbres comme les DVD

coincés dans le lecteur

défaillant de tes boucles

620

de ma maison les locataires

croisés en fête de moisson

pas invité pour boire un coup

621

j’ai la dent dure

et la gencive

hémorragique

622

tu ne seras pas l’absente

des grains

qu’on ne moud plus

623

j’irai sans toi peut-être

défaire des addictions

qui barrent notre route

624

Ô que vacillent les vacillements

les chaussettes trouées

sur les pouces des tongues

625

et cet asile rampé

sur les interdictions

qui nous déferrera

626

je n’en ai plus pour très longtemps

à vivre tel que j’ai vécu

sinon de peau à peau

627

gestes restés dans la laine des bras

défilés de l’irréversible pelote

de se suspendre aux gorges ou de les écharper

628

combien de ponts

ont coulé

sur les eaux

629

après l’anneau je vois la couleuvre

fondue dans le paysage aveugle

où coule doucement ce qui brille

630

je suis un dictionnaire à bon marché

qui ne retrouve pas

ses mots

631

je ne vieillirai pas

de vous avoir retrouvés

contagieux de vieillir avec l’âge

632

les ogres s’organisent

dans une forêt replantée

cannibale de ses alignements

633

la nuit

n’écrase plus le jour elle

se regrette

634

nous ne trouvons de sens

qu’à ce

qui n’en à plus

635

les mains plaquées de l’autre

côté des vitres qui crient

papa

636

je n’ai pas d’âge

dans les fougères qui me jettent

pierre par-dessus ciel

637

je suis venu du fond du neuf

entre la sphaigne et le schiste plier

l’écart de mes racines

638

rouges les cailloux verdis

comme une poignée de cendres

sur le cuivre des sources

639

j’ai vu les flingueurs de trésors

mitrailleuse à l’arrière des pick-ups

entre Saint Georges et L’Oiapoque

640

la pirogue de tôle

a traversé mes fleuves

d’autres fers mon épaule

641

Mais je n’ai jamais vu

plus saignante rivière

que la rivière absente

642

même la citerne du dernier

suicidé ne rouille plus au bas du village

sous les étoiles

643

j’ai retrouvé sans savoir ce que c’est

le mors aux dents pied au plancher

coups de volant plus vites que la route

644

ici

s’arrête

d’écrire

645

commencent les emplois

strictement nécessaires du temps

de la parole

646

l’attache au tendre pas

de ton cœur celle

qui fera feu de toutes tes flammes

647

on grave au vase le liminaire

souvenir de la saison

ses fleurs de quatre jours

648

jetées avec les tiges l’eau

des journées mortes mais ce croupi

de verts aux fonds

649

je penche à la lucarne de mon corps

la balançoire crissante

des étoiles

650

j’ai du mal à passer

des roches étranglantes

aux méduses lactées

651

fontanelle amniotique

je revois les néons

me rentrer par le cri

652

les plafonds se confondent aux murs

j’apprends du sol la réverbération

des résistances

653

je flotte où je flottais

sous d’autres

écrasements

654

l’herbe avait des ombres dont le son

s’étiolait entre les tombes de la chapelle

et nous faisions semblant de ne pas le savoir

655

trop de carrelage

se prend pour les parois du sang

par le vin renversé

656

les mains se sèchent

pour rouler les clopes

les mouiller mais pas trop

657

en fin de compte

tout est affaire

de liquide et de surface

658

la cornemuse dont tu joueras

demain les champs lui rentreront

aux chalumeaux par la rosée

659

je t’aimais comme la mystérieuse

nécessité des roses

d’aimer leurs épines

660

bouquets de ronces que j’offrais à ta hauteur

les pierres ne savent pas la botanique

entre les-quelles j’avais poussé

661

je ne me cherche pas d’excuse

aux palimpsestes

de l’escient

662

ratures déposées

les unes après les autres rénover

la page blanche

663

j’y crois encore

la fois au corpus

de mes chevilles attelée dans la boue

664

j’écarte au rideau de nos jours

la complaisance des fenêtres

à se gorger d’automne

665

je me pardonne enfin

que tu saches pleuvoir

à gravir l’arc en ciel

666

quand je ne serai plus cette vasque de chair

tu me verras vibrer

au passage des flaques

667

le vingt-quatre octobre tu auras les quatre ans

qui te font déjà peur

parce que c’était mieux avant

668

je souffle les bougies

de ton anniversaire

dans un grand vent de frasques

669

c’est un ami qui vient

quand il repart la nuit l’engouffre

derrière la porte trop diaphane de ses épaules

670

ce qui reste de moi

c’est l’autre qui l’emporte

par les virages de sa route forestière

671

la table que j’aime vide

devient alors le havre

où plus rien ne s’échoue

672

je suis en paix dans la disgrâce

d’une ancre à quatre pieds

qui me raccorde au fond

673

à présent que le pistil a joint les mains devant la fleur

la froidure des astres rehausse l’abaissement des courbes

nous déshabille de manteaux à la menthe

674

il est temps des tapisseries de pendre la mue

le corps à corps de l’hiver

m’appelle

675

la poésie

c’est comme le saint esprit

ça ne s’explique pas ça se reçoit

676

plus le gibier se fait rare

moins le renard

se fait tard

677

lumière écope

la brume par rayons

à buriner la face du soleil

678

voici l’astre entamé

ses éclats répandus

à l’avant de la dernière tonte

679

demain la sève

descendra dans la cave

des herbes coupées

680

jardins retournés à l’octroi

des vents qui rampent sous terre

à piller nos regards

681

vienne le plissement

des yeux creuser la calendaire

ridule des coins

682

le froid rétracte les os

que la tiédeur

étirait vers les chairs

683

je dis que la santé

vient

de l’hiver

684

tu n’aurais pas voulu t’étendre

mais la croix de la nuit

s’est allégée de tes épaules

685

d’où te vient qu’une force

dépasse la tienne

à te vêler de terre

686

tu ne fais rien pour ça

qu’attendre de l’attente

le vin tiré des impatiences

687

dans le creux de nos mains pleines

cette poignée tombée du nid de l’hirondelle

sa dédicace

688

duvet collé de merde alvéolée

coquilles d’oeufs pourris

à vous fendre le cœur de beauté

689

s’en sont allées les hirondelles

faire à d’autres airs

ce qu’elles font à ce cœur

690

la nuit n’a de fond
que la nôtre
de sommet que la sienne

à la spéléologie des horizons
j’oppose par instinct de résilience
l’escalade des racines

matin de timbale
tu ne me trompes pas
de tes récipiendaires

la route
nous marche
dessus

dans la langue des signes
l’appel
de la forêt

les branches tournent au livre des arbres
la lenteur
de nos pages

accueille chaque feuille
brûlée par l’automne
comme l’autodafé de ta seule existence

à moins que la marge des graines
et je l’ai constaté
s’étire aux crevasses des bottes

691

les fleurs de la tapisserie avec
laquelle tu rapiéçais le soufflet de ton accordéon
avaient quelque chose du Japon Tad-koz

le pays du soleil levant
faisait chaque jour le tour
du bord supérieur de tes bottes

le maintien de ta nuque
élimait le col
de tes roides habits

tu m’as fait traverser
la luciole des buissons
l’encolure de tes juments

je ré-habiterai décembre
par la maison du hameau
face à la tienne où seul ne suis pas né

le soleil levant
fera chaque jour
le tour de mes bottes

 

tant que tendent les tendances
les tiennes tant
qu’elles se penchent

penche où redresse
mais ramène
plié

sarcle la sauvagerie
de ce qui vient
sans aller

ce qui va
sans venir
ne le redoute pas

mais
n’y retourne
plus

la lune godille
par tribord de la veille
dans son sillage les étoiles noyées

hier elle était pleine
et nos lampes contraires
obscurcissaient sa nuit

ce soir sans nuage
les astres remontent
l’absence du halo

nous étions nus sur la branche
la fente au plafond de ses tunnels
ensevelie sous son regard

demain
l’envie de dire
demain

la brume qui se lève
c’est le rêve éveillé
d’une terre qui s’endort

c’est l’haleine qui tire
la couverture
des feuilles

j’ai vu quelques fois
ce brouillard sur le dos
des chevaux et des hommes

c’était confondre la furie
avec l’effort
du trait

je n’ai su que plus tard
l’indifférence
des deux

cette nuit les cimes
ont l’acouphène
lunaire

je les entends me tendre
horizontalement leurs bras
verticalement piégés

l’écrou des perspectives
levé
par les lueurs

la lune est-elle
sur la branche
ou l’inverse

le monde dépend-t’il à ce point
de celui
qui le voit

je crois avec mon verre de Cardhu
que la beauté
se passe de regard

dors dans les draps
que je borde de ta source
mon enfant de personne

de personne que la source
qui sourd à couvert des feuillages
avant le nu des océans

dors à la suture des points
que je ne cache pas
indolores aux reflets

dors je t’apprendrai du sommeil
les confins orageux
l’éclatement passager de tes larmes

allons dans la paix
le vacarme des enfants sur un matelas
bondir du silence

faisons nous violence
accordons à la nuit
de ne pas nous prévoir

remettons les feux
à l’encoche des châtaignes
et du jour ramassés

élevons le pied descendons
nous la gueule dans la sacristie
des cultes oubliés

ne te retourne pas
tu risquerais de voir devant
qui n’es de toi que le passé

soluble dans l’assise
correcte de tes mains
le tarmac de la table

à la ceinture le geste pauvre
déporter le couteau
vers le pain

le claquement de l’ouverture
de la lame
en deux temps

je me contente volontiers
de mouvements simples
à contre-abondance du monde

je me tairai
comme se terrent les flaques
dans l’ornière des pluies

je me répéterai
désherbé par la courbe des bêches
et l’usure des lombaires

il y a des douleurs que le corps
fait très bien
de ne pas écouter

les nuages ont sombré dans le tourbillon
de la lune plus à l’est peut-être
inversion du maelstrom

passent les finistères sur les côtes d’armor
je me dis que la météo
se passe de frontières

je pense aux migrations
des migrants
qui se foutent bien de la météo

fines gouttières que les jours traversent
ratée la galvanisation de l’endigage
ô combien notre ressemblance

l’assignation des rôles nous l’avons ratée
l’ongle du pouce caressé sur la lèvre
fermée par où s’ouvrent les soudures

il suffit de pleuvoir
que nôtre goutte à gouttes
engraine l’ortie

saisis par une balle
au bond dont ils eurent
le réflexe du mauvais côté

sur le pont d’un navire
crachoir des mitrailles aériennes
découpés à côté ses potes en deux

c’est ça qui hantait
les rêves de mon grand-père
et les hommes à la baille enflammée

combien de fumeries d’opium
cinq fois le tour du monde
avant de revenir au bled

des histoires terribles dont
je ne parlerai pas tant tu mis de temps
à ne plus taire qu’un peu

la bosse des châtaignes
éclate des collines
une bogue transmise

l’épine sur tes doigts
plus tendres que les miens
au même âge foulée

je ne désespère pas
de t’endurcir de champs
traversés par talus

la ronce se chevauche
à grandes enjambées
qui laisse le sang noir

nous n’entrerons pas
dans l’aube bousculée des autres
édifier des regrets à portée de l’épaule

elle rase nos chemins
la lumière désherbée
de ses crânes

la fatigue dans l’os
a traversé plus haute
la chair qui l’observe

du demi feu demeure
une poignée de souffle
tison de la veille

il monte de la nuit
le variable de voix ajustées
à leur propre volume

nous entrons dans les salles
de ce jour échappé
par nos architectures

lundi ne baisse pas sa garde
droitière du pied gauche
parallèle à l’uppercut

toujours de profil
les saillies et l’esquive
du vide

au coin de l’oeil un nystagmus
ecchymose de veine
tremblée

des déserts
dans
les yeux

du sable
dans
la voix

il pleut
dans les torrents de l’aube
à retarder sa chute

il pleut
sur la corde des cloches
pendues aux trottoirs

il pleut
derrière les portes basses
des maisons affaissées

il pleut
sur la nuque du jour
plaquée contre terre

il pleut
de nouvelle lumière
l’ascension des ténèbres

il pleut
l’accroche tangible de barreaux où lever
la gorge sur les poings

il pleut
de volonté plus meuble
que l’air

le soir se prépare
tapi derrière les pans du volet
à lutter contre les vitres

l’écureuil
risque sur l’herbe
une chorégraphie d’entrelacs

les arbres
allument la dernière lampe
jaunie de leurs feuillages

le soleil
une enveloppe de papier déchiré
sur les bords supérieurs blancs et noirs

nous n’entrerons pas
dans l’aube bousculée des autres
édifier des regrets à portée de l’épaule

des sanctuaires de brume
écharperont le risque des pas
à franchir le sommet de nos cols

nous en resterons là
comme le bec bariolé des macareux
côtes à côtes échancrées

tout envol est soudain
dans le vent qui le porte parfois plus bavard
que les couples d’oiseaux du rivage

les gardiens expulsés
de leurs phares c’est la mer
amputée des vigies de son propre regard

nous avons rabattu le reflet des tempêtes
au tison clignotant
de nos âtres lointains

rehausser le foyer
jusqu’à la dalle des vents
n’étage qu’au désastre son report

sommes entrés de plain pied
dans la bipolarité
des pressions

et toi pauvre gardien des océans de pierre
qui me parle sur le zinc de ton nouveau statut
direction départementale de l’équipement

dans ta voix le col du ciré
recouvre tes cheveux propres
où bruissait la crasse des algues

de conférences en artistes
on t’expose bourré pour le burin de ta peau
qui prend si bien la lumière

la fente désespérée
de ton humour

supplantation du monde
trop vive pour la parole
surgir de son absence

son écume à tes pieds
de ce jet qui est d’un autre
ressac à ton flux

qui n’en demande pas tant
pour qu’éclate de joie
la vague à son rocher

que n’ai-je à dire
de plus qu’une table
à la fin des moissons

que l’épi d’ensilage
à partager les pains
et le vin de l’orgueil

c’est une langue de sueur
commune qui s’échange
par les gestes qui parlent

disant tout de ce qu’ils taisent
comme si d’autant d’oiseaux
pouvait naître forêts

comme si les chevaux
n’avaient pas à recommencer dans la cendre
les vastes foyers de l’enfance

à mots couverts
nous élevons
leur chape

le ciel ne s’ouvre qu’aux chevilles
blessées des ronces
de la veille

dans le sang des griffures
voici le matin
noirci des éclairs rappelés

parmi les étoiles qui rêvent de toi
j’ai connu ton visage
que je ne connais pas

quand il m’apparaîtra
sous la constellation de ton prénom
tu me diras que le poète a toujours raison

je saurai tes cheveux
les courbes de ton corps sans rebattre chemin
de ceux qui les ont parcourus

le vent s’emportera
sur le vent
la pluie sous la pluie

nous n’aurons qu’à frôler
ce qui reste
empoigner ce qui vient

la neige pointillera
décembre entre les sabres
des lumières avalées

nous irons sous la gorge
grisée du hameau
dévaler la salive des rires

derrière chaque flocon
la face de l’humus
ensevelie de jour

la nuit nous viendra blanche
du pays
revenu

les poteaux et les arbres plus hauts
plus basses les mains jointes aux doigts décroisés
du ciel et de la terre

débardez
les sentiers
de nos bardes

levez les portails
aux longères
bornantes

des cours de nos fermes
creusaient
les chemins

où lovaient les charpentes
aux bras bleus
de l’ardoise

vous n’avez droit de passage
que celui que la vie
vous accorde ici-bas

dégagez vos murets
calibrés de parements
à faire honte au tailleur

et laissez nos enfants
traverser le réseau
balisé des étoiles

je ne vieillirai pas
de vous avoir retrouvés
contagieux de vieillir avec l’âge

les ogres s’organisent
dans une forêt replantée
cannibale de ses alignements

la nuit
n’écrase plus le jour elle
se regrette

nous ne trouvons de sens
qu’à ce
qui n’en a plus

les mains plaquées
de l’autre côté de la vitre
qui crient

papa

chaque coin se dépare
de toi comme le vent
coupe la lumière

il reste ton ombre
qui n’en est pas une aux trois
dimensions de nos murs

passée la tempête
des rires et des joies je muscle
le ventre au plus près de ses hanches

Jour tu n’es que nuit
qui retournes à son trajet
de soir

Nuit tu n’es que jour
qui revient
des matins

(parenthèse) gâchée
par trois

pointillés ponctuant les horloges
muettes
des cris

nous allons dans la chance
bavarde des matinaux
commencer par nous taire

il y a tant de voix
à trier
de nos doigts

la base des phalanges
disparaîtra bientôt
sous le gel de la douche

nous choisirons des habits
à nous réinventer
ou le bleu continué de la veille

passent les voitures
de mes frères humains
étoiler la sourdine mouillée de leurs roues

celui qui conduit
je le rassure par la croix jaune
de ma fenêtre ouverte

tu rentres des 3/8
espérer le sommeil
que tu ne trouveras pas

tu t’en vas vers l’abattoir
à poulets
de l’usine locale

et tu mettras des pointillés
aux parenthèses
de ton week end

pariant sur des chevaux de course
dont à défaut du purin tu ne connais désormais
que les statistiques

tu recommenceras ta semaine
« Ar pesked » d’annie Ebrel
dans l’auto-radio

tandis qu’au pied des monts d’Arrée
t’attendra le vestiaire
de la conserverie de saumons

la pierre a grêlé l’entente des collines
aux premières gelées
d’une herbe répondante

c’est un vent de soleil qui penche au ras de l’herbe
le mystère dévalé
des fumées ascendantes

il faut croire que la terre
conservait de l’été
des tiédeurs endormies sous la chasse d’automne

d’aveuglantes lueurs
serpentent dans les frênes
et le triste verger pleurant ses derniers fruits

sur le mur de la chambre une rampe nouvelle
remonte par son ombre
les marches d’escalier

j’irai bêcher les dernières touffes d’herbe trop grasse
et fermer les outils
sous le rai des cabanes

sous l’aile tiède de l’oiseau
le décochement de demain
la pierre inhumée de tes linges

nos visages transis
que rien
ne réchauffe

le tremblement des draps
rêche où retourner
pencher

de la tête du lit
que tu n’as pas
aux pieds que tu voudrais

c’est le lendemain
qui questionne christique
le linceul du sommeil

trace le rosaire
de tes quatre vents
rappelé

je suis à contre-soi
dans l’échec permanent
de réussites fugaces

ainsi traces moins hautes
plus basses d’accoudoirs
sur la table des nuits

je suis à contre-emploi
du temps qui passe aux fausses routes
de gosiers en poumons

je suis de nuit le jour
l’arthrose des bascules
vers ce dernier calcifiée

ô que m’importent ces chemins
de tripes bavardantes
si je pouvais me taire

je parle au nom de qui
sinon de leurs silences
vers quoi je m’en retourne

qui veut se coucher
commence par délacer
ses chaussures

qui veut se taire
écoute
ses mains

qui veut parler
finit
par se taire

qui veut
finir
commence

qui
commence
finit

qui

est

se faire un café à trois heures et demi
du matin moins pour le boire
qu’entendre la cafetière grouiller

du sang sur la rosace
de ma guitare je te rassure
n’est que celui de mes ongles

je le ramène des pièces mélangées
du Connemara
où je faisais la manche

from Dublin to Galway
they said to me
« Just do it »

and since
I’m just doing
to try

snails
and blood
over the rose

parfois quand je ferme les yeux
la clarté que je vois
vient des tiens

je ne fais pas exprès
c’est un clin de plus longue durée
que la nôtre

c’est un laps
j’allais dire adoubé
par la longueur du normal

quand je les ouvre
c’est le monde qui se cherche
une place où s’écourter

mais il se trompe
ce temps
qui ne m’étire pas

j’ai mis mon coeur
au loin
dans une prison d’azur

j’ai scié les barreaux
du berceau
de tes nuits

je n’ai que la paume
à te prouver des mains
pour chanter ton futur

je mettrai des arômes
de chèvrefeuille et d’aubépine
à tes chaussures

tu les emporteras
vers le préau d’école
où je serai foulé

là-bas dans
l’azur autre où tu
m’inventeras

quand c’est moi qui me traîne
au radeau
de ta figure

c’est toi qui me ramène
au sourire de tes bras
ouverts comme des peines

d’accord on déplie les charbons
du premier novembre mais non
j’en emporte les effritements ongulés

d’accord on fleurit les pierres
mais non je sais que l’orage
et le pistil s’immiscent

d’accord mais non mes morts
je vous chéris par delà les fleuristes
et j’aime la mousse sur vos tombes

que je ne
gratterai
pas

ce que les arbres disent aux oiseaux
suppose de leur poids
davantage que leurs trilles

sur le piano de l’air
la corde
de ses branches

la boule de papier troué
qui sert de lustre rougeoie
tout autour

comme les fausses rivières
dans les restaurants
chinois

j’ai traversé des lames
il paraît que ça laisse des traces
à la pointe brillante des chairs

l’arête du nez
dans le travers
des poings

j’ai fracassé mes dents
sur l’injustice
des portiers

par le solstice d’hiver
je jure n’avoir jamais
échiné de la courbe

j’ai trahi j’ai trompé
commençant par moi-même
j’ai serré des mâchoires sur l’aube

je crois qu’on revient de violence
comme on s’en va
de soi

je crois qu’on va de soi
vers où se laisse
aller

je crois
à chaque
credo

dans la prière recommençable
à l’aube absente
des oiseaux

quand la peur n’est plus
cette défaite
conquise

quand les tibias cicatrisent
au tremblement
des genoux

et que je tremble malgré tout
résistant à des paniques sans nom
dont on échappe qu’en cédant

je crois à chaque credo
de plus croyants que moi
à qui je m’en remets

il saborde son absence
dérive les volets fait chuchoter ma voix
alors qu’il n’est pas là

je dors dans son lit
le poumon de ses draps
respire où je palpite

je me lève et trébuche
sur un camion de pompier
qui s’allume et fait pimpon

j’arrime les volets
à des jours inutiles
de les compter sans toi

la fougère a tremblé
sous l’étoile
filante

le frisson des racines
a dressé son parcours
vers la nuque de l’air

si froide et si claire cette nuit
que puissions-nous la regarder de plus bas
nous n’en verrions que banquise

d’abord regarder l’heure
en conclure
l’autre côté du silence

faire face la garder
dans une contrepèterie
la garce l’agacer

tordre de la colonne
n’investit rien des mots
doute où pourrait se dire

quitter la chaise courte et les mollets d’acier
pour quatre cardinaux
points de ses appuis

regarder l’heure ensuite
ouvrir sa fenêtre
la plus possible à l’est

nous irons par des routes lointaines
arborer le pays
d’où l’on ne revient pas

nous irons chanceler les semaines
sans ticket de retour
à nos joies et nos peines

les chemins devant nous
s’écarteront d’eux-mêmes
nous ne refermerons rien

les trains et les traînes
passeront au genou
de ceux qui nous plaignent

nous ne regretterons rien
de cette bonne vaine
d’avoir vécus en vain

semencière à l’aride des roches
l’aubépine était reine
héritière du talus de nos bois

provide
à notre
exil

le pic épeiche
n’a pas
changé d’heure

à dix heures le matin
l’ombre tire à soi
la couverture du soir

le remontoir de nos montres
a poussé plus de bleu
moins à l’est

les dernières phalanges des frênes
laissent des traces charbonneuses
sur un ciel chiffonné

je ne vois pas autant
de feuilles par terre
que de feuilles parties

sans doute l’élégance de l’automne
entre-autre est de brouiller
les points de chute par la surface

comme un printemps pollinisé
par le revers
des attractions

j’ai beau savoir le rencart des saisons
celles qui montent des sols
m’intriguent plus que celles qui tombent

l’automne et l’hiver
anticipent
leurs propres coïncidences

il y a du mystère
dans la ponctualité
du linéament des branches

je vais
dans l’inconnu dévoré
des appels de la terre

l’épervier tournoie plus haut
mire plus nette mais proie raréfiée
sur la première gelée blanche

il hésite avant de plonger
gêné dans le refermement de ses ailes
par l’impatience des choucas

dans la chaîne alimentaire
les anneaux de novembre
se serrent

le paysage
se ramasse
sur lui-même

laisse la trace défraîchie
visible encore
de ses anciens déploiements

sur des lumières griffées
qui cicatriseront
en chien de fusil

rien ne déferle aujourd’hui
des nuages que la fixité
du temps qui passe saugrenu

nous sommes sous la tente
à cogner contre sa toile
c’est par où que ça tremble ?

le temps qu’il ne fait pas
me
démobilise

il fait dimanche
comme un bulletin météorologique
avalé de travers

personne n’enviera
la quête de mes clopes
un dimanche soir de novembre

bar tabac poème mutuel urbain
poignée d’inox et vitre froide
d’une porte qui ferme toujours mal

toutes têtes tournées
des papiers à la main
vers des chevaux d’écran

passé le rite des bises et des mains
tu peux accélérer ou ralentir
le bon train des conversations

qu’est-ce qu’a fait Callac contre Plougonver
qui a marqué
gant piv oa ar maout ?

la phrase tombe d’un
qui ne s’est pas couché
« Au kir à midi au lit avant minuit !  »

il est temps
du corps à la guitare
d’aller

que les cordes vibrent aux lambourdes
des côtes plancher thoracique
d’un radeau de plus loin

corde à corps prendre
le taureau par les cornes maîtriser
la main droite jusqu’au souffle de la gauche

parce qu’elle est au plus près
d’une bouche
oubliée

du bas de tes jeans
trempé sur les Caterpillar
remontent des arpèges

il est temps d’aller
de la guitare
au corps

vers la source
plénière
du chant

entrer dans la caisse
des résonances
sans retour

aller dans la ronce
des lobes blessés
de ta course

tu sais l’exigence disciplinaire
que réclament les doigts
sur la colonne d’air

tu sais qu’elle pourrait te sauver
de dérives
revenantes

va
dans la nervure foulée des feuilles
effrayer le chevreuil

va
dans la ventouse des sources
effacer le pas du sanglier sous tes bottes

va
quand tu chantes sans te retourner
aspirer d’autres tours que les tiens

tu n’es pas de ce monde
qui l’est moins encore
que ses faux témoignages

de quoi trembles-tu
qui ne tremblerais pas dehors
sans tes quatre murs

de quoi ne te résignes-tu pas
le cadran de la nuit
n’est qu’une pierre sans ombre

tu retournes le soleil
en soulevant un caillou
voici la paume du matin

sur le dos de la main
le jour tourne comme un insecte
perdu

tu reposes ou souffles vers le sol
des lumières intactes
désormais blessées pour toujours

serait-ce donc de cela que je tremble
serais-je libre
alors ?

la nuit sépare la nuit rapproche
parfois le jour
de l’induction des rêves

nous traînons éveillés
la douceur cauchemardesque
de visiteurs nocturnes

des ponts et des trains
des escaliers sans fin
des foules autour de l’inertie

pas le temps de creuser
ces rêves dont on rigole
au petit déjeuner

mais la morsure étrangère
nous est
comme d’une bête familière

et puis
cet infini visage
dont on ne parlera pas

se faire un café à 5h30 du matin
moins pour entendre la cafetière grouiller
que voir l’aube monter

Je sens venir le poème
que je n’écrirai pas

il est là sur la langue des bouts
qui s’embrassent trop tôt

je ne veux pas de toi de ta sanguine
appelant des couleurs invitées

tu me rateras de pierres
et d’enfants caillassant

je ne veux pas de ta révolution
peut-être ne veux-tu pas de moi

nous somme alors par amour
le rejet l’un de l’autre

le poing que tu serres
est dans ton ventre

tu dors
dans la sciatique des menhirs

entre l’étoilement
d’un monde désaxé

et l’appel
de tes hanches

à voix basse le vent
chuchote sous les poutres
d’une nuit sans étoiles

les pousses remuantes
au ras de nos jardins
comme des chiots

le monstre des forêts
sa tête énorme à gondoler les vitres
ne s’agite pas

nous attendons l’hiver
dans le torticolis
des feux d’intersaison

la fumée blanche sur les toits
bleuit le souvenir
de ton prénom

je glisse sur l’ardoise
surfeur de ta buée
de mondes à renaître

mais les crochets
font
mal

tu survis à mon corps
lorsque je ne sais plus du tien
si c’est le jour ou si c’est la nuit

tu renverses l’horizon
fané de ses racines
vers des coeurs à rebattre

je reprendrai guitare
comme on donne
la main

j’abandonnerai mots
comme on rend
son espoir

à ceux qui l’ont vu naître
et n’ont su
le savoir

engeancerai flambeaux
sur l’ovule
des soirs

ferai trembler matin
les cordes
dans le noir

je reprendrai mon corps
des nasses
démêlées

pour un un chemin de croix
j’échange volontiers
la croix de tout chemin

à ceux qui m’ont vu naître
et ne purent
y pourvoir

Dre pevar hent
a rayo ket din
erzh ho moezh

Par quatre chemins
qui ne m’iront jamais
je vais dans votre voix

Kreiz tressed ma unan
e-barzh an estell
ho taolennoù

tracer ma craie
dans la rainure
de vos tableaux

Skeud ur bed eomp
gaouiad diwar benn
e sklerijenn

nous sommes l’ombre d’un monde
qui nous fait croire
à sa lumière

il faudra pour la rose
détacher ses pétales
avant que le temps ne s’en prive

ll faudrait trouver rognure
sur la tige corrompue
de nos greffes

les arbres fruitiers
retourneront au couteau
rouillé d’avant les branches

les hameaux échancrés
travaillent le dimanche
à repriser leurs laines

recouverts du linceul
de ciel et de pommiers
abandonnant leurs tranches

dans des sacs en plastique
remplis
de châtaignes

et de rires
frémissants

dans le monde où je vis
j’ai faim
de vos vagues

et du creux à l’écume
je mendie
misérable

juste un peu de clarté
que retire
le sable

dans le monde où je vis
j’ai soif
de table

d’humains appuyés
loin de ses
quatre coins

l’avant bras sent l’étable
et le coude
le foin

on ne rit
de personne
dans le monde où je vis

on déplie le couteau
pour tracer sur le pain
une croix cardinale dans le sens du levant

les deux autres du nord
au ponant des églises
ne seront que des points

on ressort
pieds devants
de ce monde où je vis

je suis à Rennes
où le point de nos croix
démaille la laine

je suis à Rennes
échancrure demain
de pulls over the pain

j’ai pris ta mère
par le revêche de son cou
qu’il me reste revers on s’en fout

le village m’attend
sur sa route impatiente
il défile à l’envers

débobine le fil
des enfants du bocage
au ciseau des banlieues

je suis à Rennes
où se dédoublent
patronymes

les enfants des parents
divorcés
se rappellent

à l’amas du hameau
dépouillé
de ses pierres

l’infortune complaît
la misère
des battages

vous ne vous
battez
plus

relevez des sillons
les germes de l’adage
qui faisaient d’un prénom

la largeur d’une épaule
où les oiseaux de novembre
réchauffaient aux violences

de vos bras écartés
par la faux la givrure
de leurs ailes

je suis à Rennes
hors la ceinture de sa rocade
il me tarde retour

je suis à Rennes
j’abandonne le fils
entre sources et tours

l’or la résine des pins
le plancher
des abeilles

le mélange des feuilles
au fléau de l’automne
à son sol battant plein

quand le cercle des lunes
emboîtait le sentier
des messes de minuit

nous allions sous le pied
relever le chemin
qui dormait de nos nuits

réveillé du fracas
silencieux de l’amour
dont on ne faisait cas

le tambour a roulé
des mains qui séparent
la nuit de la vie

je te revois qui part
dans ton souffle blessé
mémé

je nous revois marcher
sur des sentes que j’empreinte
patientes de ton absence

j’avance d’autres pas
qui les feront t’attendre
je leur mens à tout va

misérable la feuille
et la boue qui l’en va
misérable le deuil

fortuné
le
mendiant

sous le cintre des portes
poussières minérales
sur les seuils gondolés

à l’ouest des poignées
les paillassons
sont insulte

au passant qui entre d’abord
et frappe
bien après

l’hôte nous arrive bougon
c’est lui qui tire
ses chaussures

il ne dit rien encore
que deux verres sur la table
reflètent la terre de ses ongles

le caillou des oiseaux
s’arrête
de voler

nous coupons les élans
des outils du verger
il se fait tard beau paysan

il est temps de rentrer
détrousser les chemises
redevenir enfants

à l’horloge du feu
nous saurons quand tamise
le moment regretté

de flamber nos adieux
dans le vestige aboyant
des chiens et du foyer

sous la pluie de novembre
l’intermittente la lueur
d’un abat-nuit lunaire

éclaire mes traces aux talus
dans leurs pas
de géants

je recroise ton chemin
ruisseau du volcan des prairies
qui passera par dessus route

quand le temps de l’enfance
reviendra
de flocons

nous aurons peur du dernier loup
descendu de ses crêtes
aux contreforts de l’Arrée

j’allume une bougie
pour chaque ancêtre connu
sur le buffet d’érable

ce sont eux qui pensent à moi
moins souvent
que j’en oublie

et le temps passerait misérable
sur l’abondance des paumes
n’avons rien mendié

qu’un peu de sa durée
pour embrasser plus fort
les moments et les morts

pour trahir au plus loin
la parole faiblarde
et le geste troublé

pour qu’un arbre déroule
au penchement de l’éclair
le plein air des racines

la souche des eaux soulevées
qu’ensemence la foudre
aux recommencements

beau pays qui perdure
je t’aime comme on pleure
les humains qui s’endurent

sur un sol arraché
de l’acide granit
aux fruits de tes vergers

beau paysan tes deux verres
dans le raclement de ta gorge
suffisent au silence

j’ai vu la rose et le clocher
passer le porche
des vestiges

est-ce la pluie que j’entends
où le débit plus prononcé
de la rivière

pourquoi séparer sur le papier
l’envers nuptial de tes sens
et de la nuit

La tempête, suite:

Vivant rejeté
tu t’acceptes toi-même
bois flotté du rivage

On prend de ta blondeur
l’écorçage des aubiers
dans le panier des passantes

Tu flétriras beau démembré
sur des cadres les miroirs à fendre
le visage des autres aimés

Ainsi tu te retrouves
et te rejette
dans le reflet des salles de bain

Impro sur la tempête qui est:

Nous rentrons de capuche
asseoir à notre table
les travers du présent

Tout nous semble vivant
des tôles soulevées
aux rouilles des caniveaux

Ce cri qui monte des mains
qui ne dormaient pas
pardonne-toi de l’entendre

Entre deux pierres qui tremblent
et la promesse
de ne rien changer

à ce que vraiment
tu tentes
de ne plus être

la lune soulève
notre pierre et nos draps
aux corps qui se tournent

*

moins grimpants les lierres
que remontés d’interstices
inassouvis

*

la pression maintient
le squale aux fonds sans effort
d’endormissements

*

remplacer l’encre
par le suif de la dernière
bougie soufflée

*

le dernier moineau

sur la branche personne

ne lui répondra

 

 

 


11 réflexions sur “Les miracles

    1. Bonsoir Carolle,
      Merci beaucoup pour ce joli compliment. Ce travail est un chantier en cours loin d’être achevé je pense. Je ne l’ai donc pas encore soumis à éditeur. Si cela vous intéresse j’ai deux livres de poésie publiés, « Chiens de fusils » aux éditions des Vanneaux et « Suite nord armoricaine » aux éditions de la Centaurée. Vous les trouverez facilement sur le site de ces éditeurs. Si vous aimez la forme courte en tercets « Suite nord armoricaine » est plus proche du travail présenté ici.
      Encore merci à vous,
      Patrick.

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      1. En relation avec une amie commune, néerlandaise d’origine, et qui vient de s’installer dans le district de Columbia, c’est elle qui m’a branché. Vous n’éditez qu’en français ? Si en anglais cela m’intéresse pour des idées de cadeaux. Merci encore pour votre réponse. C.R

        J’aime

  1. Bonsoir, de passage à Paris pour 24 heures je lis un échange entre une Coralie Ladevenne ( Facebook) et un correspondant twitter MTROLAND-DDelavenne. C’est votre amie parait-il et elle vous représenterait. C’est quoi ou qui cette intermédiaire ? Merci m’expliciter.

    J’aime

  2. « Lavedenne Coralie Marie  » FB via le lien twitter « DDelavenne & Mtrolland :  » oui j’ai listé des gens indésirables pour bloquer des facebookeurs sur la page commerciale de P.Prigent et je suis sa représentante la plus fidèle.si besoin d’infos sur sa production littéraire je suis à votre service »
    Bloquer comment ? On est en démocratie je crois donc ça rime à qui ces messages belliqueux ? En plus moi non plus je n’ai rien compris à ce genre d’invective puérile. Quelqu’un se joue de vous ou s’amuse à vos dépens. Je reviens dans 3 semaines je reprendrai contact pour acheter quelques-uns de vos ouvrages. DIRECTEMENT.

    J’aime

  3. Il y a chez toi la force d e la pierre et la fluidité de l’eau, quelque chose qui semble émaner d’un territoire ancien et mythique qui me saisit toujours parce quec ela donne à ta poésie cette force sincère qui manque à tant d’autres. Malgré tout le blabla qui accompagne la poésie et qui détache chaque jour de moi l’envie d’en écrire, cette vérité-là reste percutante. Reste comme ça.

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